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Profession grutier : rencontre au sommet

Cristovao Ribeiro est actuellement l’un des plus hauts grutiers de Paris. Un professionnel reconnu et accessible… Encore faut-il aller le rejoindre sur son lieu de travail !

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Mais je l’avais bien cherché ! J'avais même sollicité la rencontre. À l’issue d’une première visite du chantier des Tours DUO, dans le 13e arrondissement de Paris, de retour de la cime provisoire de DUO 1, à environ 150 m de hauteur, l’auteur de ces lignes avait émis l’idée de rencontrer l’homme le plus haut du chantier : le conducteur de la grue Liebherr 380 EC-B qui surplombe actuellement la capitale. “Pas de problème, m’avaient répondu conjointement Jean- François Delmas, directeur des travaux et Céline Guillot-Frohlich, directrice de la communication de chez Bateg (que je remercie chaleureusement pour leur aide). Vous voulez le rencontrer tout de suite ?” Les yeux encore écarquillés par ce que je venais de voir depuis le sommet, les voies de chemin de fer en miniature, le périphérique où les voitures semblaient plus petites que des jouets, Paris et sa région à perte de vue en vision 360°, les tours du 13e qui paraissaient minuscules…, je déclinais l’invitation mais la repoussait d’une semaine. Et c’est donc à 198 m de haut que j’avais rendez-vous, le mardi suivant par une météo ventée et pluvieuse avec Cristovao Ribeiro, grutier de profession. Une rencontre qui se méritait. Après quelques centaines de mètres dans les entrailles du chantier de la Tour DUO 1, je me retrouvais au pied du mur, ou plutôt au pied de la grue. Et je vous l’assure, vu du bas, ça fait haut. L’ascension d’un peu plus d’une vingtaine de minutes se déroule en trois temps. Trente mètres à gravir à l’échelle, un ascenseur deux places version XS, à nouveau trente mètres à la force des bras et des jambes et un final en apothéose où l’on passe à l’extérieur de la grue. La cabine se trouvant positionnée sur une petite plateforme. Sensation assurée !

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Une réorientation réussie

Mais la réception valait l’effort. Et l’homme concentré qui conduit l’engin se fait d’emblée accueillant et prolixe sur son métier. Avant son arrivée en France, en octobre 2007 pour retrouver sa famille, Cristovao travaillait comme infographiste dans la publicité. Il débute comme boiseur au sein de l’entreprise Sicra (désormais filiale du groupe VINCI Construction France). Après trois mois en intérim, il est embauché et poursuit sa carrière dans l’entreprise tout en perfectionnant son français. Un accident de la route avec une sale blessure à l’épaule stoppe son évolution. “Mais grâce à mon entreprise, j’ai consulté un médecin du travail qui m’a dirigé vers l’APAS-BTP.” Et là, surprise du journaliste qui découvre à 198 m de hauteur que son interlocuteur du jour est passé par le service d’orientation et de reclassement professionnel.Très clairement, raconte Cristovao sans flagornerie, c’est grâce à l’APAS si je suis devenu grutier. Après quelques rendez-vous, on m’a d’abord orienté vers des métiers liés au dessin, vu mon passé d’infographiste, mais ça ne m’a pas plu. Le 2e choix a été le bon. Mais le métier de grutier me fascinait déjà depuis longtemps.” Après sa formation professionnelle, le jeune homme se voit confier ses premières missions. Dans une atmosphère de confiance liée à la culture de son entreprise où “le confirmé essaie toujours de donner la main au débutant, insiste le grutier. Mon chef de chantier m’a offert de petites opportunités pour que je me fasse la main.” Jusqu’au grand jour où l’on se retrouve seul en piste. “Je m’en souviens très bien. C’était en 2012, la construction d’un lycée à Dammartin-en-Goële en Seine-et-Marne. Le responsable m’a proposé de remplacer un grutier qui partait en retraite. C’était un chantier difficile avec beaucoup de charpente en bois, des convois exceptionnels, des poutres de 12 m de long. Malgré mes difficultés de débutant, il a estimé que j’avais l’aptitude.

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La fierté de bâtir

Le débutant transforme l’essai et découvre les exigences du métier. “Être serein, ne pas s’énerver, rester concentré, entrer dans sa bulle”. Mais aussi les responsabilités : “Quand on est en train de conduire, la vie de nos collègues est entre nos mains. Une mauvaise manipulation et tout peut basculer.” Et surtout, le sens de l’équipe où l’on se parle par radio ou par gestes : “le secret c’est la communication ! Je suis seul dans la cabine, mais c’est un travail d’équipe passionnant. Avant de monter ou quand je redescends, j’échange avec mes collègues (et l’auteur de l’article en témoigne vu le temps passé entre le pied de la grue et la sortie du chantier où nombre de ses collègues sont venus lui parler). C’est toujours gratifiant d’être apprécié pour son travail.” Dans sa cabine, son bureau “tout là-haut” comme disent ses filles quand il passe en voiture sur le périphérique à hauteur de la Porte d’Ivry, Cristovao se laisse aller à la confidence : “Mon grand-père a fait partie de la première génération d’immigrés portugais arrivés en France dans les années 60. Quand j’étais tout petit, au Portugal, il me disait : un jour si tu vas en France tu verras la Tour Montparnasse. J’ai travaillé là-bas ! À l’époque, j’entendais “Montparnasse, Montparnasse”, mais cela ne signifiait rien pour moi. Trente ans plus tard, j’ai pu la voir en vrai. De l’esplanade et depuis le sommet. Et j’ai pu me rendre compte de la fierté qui était la sienne ! Sachant que lors de la construction dans les années 1970 cela devait paraitre encore plus impressionnant. Il ne suffit pas d’apprécier la hauteur, il faut aimer construire.” Paroles d’expert.

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